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OTHON L’ARCHER

sait à la dernière branche desséchée d’un chêne, et les archers montrèrent en riant ce but à Othon ; mais le jeune homme répondit que le corbeau était un animal immonde, dont les plumes étaient indignes d’orner la toque d’un franc archer. La chose était vraie. Aussi les joyeux voyageurs se contentèrent-ils de cette réponse.

Un peu plus loin ils aperçurent un épervier immobile à la pointe d’un rocher, et la même proposition fut faite au jeune homme. Mais, cette fois, il répondit que l’épervier était un oiseau de race, dont les hommes de race avaient seuls le droit de disposer, et que lui, fils d’un paysan, ne se permettrait pas de tuer un pareil oiseau sur les terres d’un seigneur aussi puissant que l’était le comte de Woringen, dont en ce moment il traversait les propriétés. Quoiqu’il y eût du vrai au fond de cette réponse, et que pas un des archers peut-être n’eût osé se permettre l’action qu’il conseillait à Othon, tous accueillirent cette réponse avec un sourire plus ou moins moqueur ; car ils commençaient à prendre cette idée, que leur jeune camarade, peu sûr de son adresse, cherchait à retarder le moment d’en donner une preuve aussi décisive que celle qu’on lui demandait.

Othon avait vu le sourire des archers et l’avait compris ; mais il n’avait paru y faire aucune attention, et continuait sa route, riant et causant, lorsque tout à coup, à cinquante pas à peu près de la troupe bruyante, un