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OTHON L’ARCHER

préférant suivre ses compagnons partout où ils iraient que de rester seul par une pareille nuit et dans un semblable voisinage.

La troupe se remit donc en chemin ; seulement, pendant cette halte de quelques minutes, chacun avait brisé une branche de sapin et s’était fait une torche résineuse, de sorte que la montagne, d’obscure qu’elle était auparavant, était devenue tout à coup resplendissante, et qu’on commençait à distinguer, à l’extrémité du cercle de lumière, la masse triste, vague et sombre du château, qui, à mesure qu’on approchait, se dessinait d’une manière plus précise, montrant ses colonnes massives et ses voûtes surbaissées, dont les premières pierres avaient peut-être été posées par Charlemagne lui-même, lorsqu’il étendait des montagnes pyrènes aux marais bataves cette ligne de forteresses destinées à briser l’invasion des hommes du Nord.

À l’approche des archers et à la vue des flambeaux, les hôtes du château s’enfuirent à leur tour : c’étaient des hiboux et des orfraies au vol nocturne, qui, après avoir fait deux ou trois cercles silencieux au-dessus de la tête de ceux qui venaient les troubler, s’éloignèrent en hurlant. À cette vue et à ces cris sinistres, les plus braves ne furent pas exempts d’un mouvement de terreur ; car ils savaient qu’il est certains dangers contre lesquels ne peuvent rien ni le courage ni le nombre. Ils n’en pénétrèrent pas moins dans la première cour et