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OTHON L’ARCHER

largement, ne pouvant faire mieux, puis le sommeil commençant à descendre sur les voyageurs, chacun s’établit le plus confortablement qu’il put pour passer la nuit, après avoir toutefois pris la précaution, sur l’avis du vieil archer, de faire veiller successivement quatre personnes que désignerait le hasard, afin que le sommeil du reste de la troupe fût tranquille. On tira au sort, et le sort tomba sur Othon, sur Hermann, sur le vieil archer et sur Frantz.

Les veilles furent fixées à deux heures chacune ; en ce moment, neuf heures et demie sonnaient à l’église de Kervenheim ; Othon commença la sienne, et, au bout d’un instant, il se trouva seul éveillé au milieu de ses nouveaux camarades.

C’était le premier moment de tranquillité qu’il trouvait pour parler avec lui-même. Trois jours auparavant, à la même heure, il était heureux et fier, faisant les honneurs du château de Godesberg à la chevalerie la plus noble des environs ; et maintenant, sans qu’il fût pour rien dans le changement survenu, et dont il ignorait presque la cause, il se trouvait déshérité de l’amour paternel, banni sans savoir le terme de son bannissement et mêlé parmi une troupe d’hommes braves et loyaux sans doute, mais sans naissance et sans avenir, et veillant sur leur sommeil, lui, fils de prince, habitué à dormir, tandis qu’on veillait sur le sien !

Ces réflexions lui firent paraître sa veillée courte.