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OTHON L’ARCHER

du convive nocturne son effet accoutumé ; Hermann se sentait plein de confiance en lui-même, et, en récapitulant tous les mérites qu’il se trouvait à cette heure, il ne s’étonnait plus de la bonne fortune qui lui arrivait ; et la seule chose qui l’étonnât c’est qu’elle eût tant tardé. Il était dans cette heureuse disposition quand ses yeux tombèrent sur un luth posé sur une chaise, comme si l’on s’en était servi dans la journée même ; alors il pensa qu’un peu de musique ne gâterait rien à l’excellent repas qu’il venait de faire. En conséquence, il invita gracieusement Bertha à prendre son luth et à lui chanter quelque chose.

Bertha étendit la main, prit l’instrument, et en tira un accord si vibrant, qu’Hermann sentit tressaillir jusqu’à la dernière fibre de son cœur ; et il était à peine remis de cette émotion lorsque, d’une voix douce et à la fois profonde, la jeune fille commença une ballade dont les paroles avaient avec la situation où il se trouvait une telle analogie, qu’on eût pu croire que la mystérieuse virtuose improvisait.

C’était une châtelaine amoureuse d’un archer.

L’allusion n’avait point échappé à Hermann, et, s’il lui fût resté quelques doutes, la ballade les lui eût ôtés ; aussi, au dernier couplet, se leva-t-il, et, faisant le tour de la table, il alla se placer derrière Bertha, et si près d’elle, que, lorsque sa main glissa des cordes de l’instrument, elle tomba entre les mains d’Hermann. Her-