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OTHON L’ARCHER

tée servie et illuminée ; seulement, les convives étaient changés : les deux portraits s’étaient détachés de la toile, étaient descendus de leur cadre, et, assis de chaque côté de la table, causaient gravement comme il convenait à des personnes de leur âge et de leur condition. Othon crut que sa vue le trompait ; il avait sous les yeux des personnages qui semblaient, par leurs habitudes, avoir appartenu à une génération disparue depuis plus d’un siècle, et qui parlaient l’allemand du temps de Karl le Chauve. Othon n’en prêta qu’une attention plus profonde à ce qu’il voyait et à ce qu’il entendait.

— Malgré toutes vos raisons, mon cher comte, disait la femme, je n’en soutiendrai pas moins que le mariage que fait en ce moment notre fille Bertha est une mésalliance dont il n’y avait pas encore eu d’exemple dans notre famille ; fi donc ! un archer…

— Madame, répondit le mari, vous avez raison ; mais, depuis plus de dix ans, personne n’était venu dans ces ruines, et elle sert un maître moins difficile que nous, et pour qui une âme est une âme… D’ailleurs, on peut porter l’habit d’un archer et n’être pas un vilain pour cela. Témoin ce jeune Othon qui vient pour s’opposer à leur union, qui nous écoute insolemment, et que je vais pourfendre de mon épée s’il ne rejoint à l’instant même ses camarades.

À ces mots, se tournant vers la porte où se tenait le jeune homme muet et immobile d’étonnement, il tira