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OTHON L’ARCHER

« — Et Béatrix ? » lui dis-je.

« — Nous voici arrivés à ce qui la regarde, » me répondit-il. « Je dormais donc, comme toi, dans ma tombe, attendant l’heure du jugement, lorsqu’il me sembla peu à peu, comme si je m’éveillais d’un sommeil profond, revenir au sentiment et à la vie. Le premier sens qui s’éveilla en moi fut celui de l’ouïe : je crus entendre le bruit d’une petite sonnette, et, à mesure que l’existence revenait en moi le son devenait plus distinct. Bientôt je le reconnus pour celui de la clochette que j’avais donnée à Béatrix. En même temps, la mémoire me revint et je me rappelai la propriété miraculeuse attachée au rosaire rapporté par Pierre l’Ermite. Béatrix était en danger, et le Seigneur avait permis que le son de la clochette sacrée pénétrât dans mon tombeau et me réveillât jusque dans les bras de la mort.

« J’ouvris les yeux et je me trouvai dans la nuit. Une crainte terrible s’empara alors de moi : comme je n’avais aucune conscience du temps écoulé, je crus avoir été enterré vivant ; mais, au même instant une odeur d’encens parfuma le caveau. J’entendis des chants célestes, deux anges soulevèrent la pierre de ma tombe, et j’aperçus le Christ assis près de sa sainte mère, sur un trône de nuages.

« Je voulus me prosterner ; mais je ne pus faire aucun mouvement.