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OTHON L’ARCHER

« — Je n’ai rien à te pardonner, Béatrix, dit Rodolphe en l’embrassant. Le temps est écoulé, Dieu me rappelle, et voilà tout. Remercions-le des neuf années de bonheur qu’il nous a accordées, et demandons-lui des années pareilles pour notre paradis.

« Alors, il appela ses trois fils, qui jouaient dans la prairie ; ils accoururent aussitôt. Il embrassa d’abord Robert, qui était l’aîné, lui donna son écu et son épée, et le nomma son successeur. Puis il embrassa Godefroy, qui était le second, lui donna son cor et lui abandonna la comté de Louën ; enfin, il embrassa à son tour Rodolphe, qui était le troisième, et lui donna l’anneau et le comté de Messe. Puis, ayant une dernière fois serré Béatrix dans ses bras, il lui ordonna de demeurer où elle était, recommanda à ses trois fils de consoler leur mère, qu’ils voyaient pleurer sans rien comprendre à ses larmes ; puis il descendit dans la cour, où il retrouva son cheval tout sellé, traversa la prairie, en se retournant à chaque pas, monta dans la barque, qui reprit aussitôt le chemin par lequel elle était venue, et disparut bientôt dans l’ombre nocturne qui commençait à descendre du ciel.

« Depuis cette heure jusqu’à celle de sa mort, la princesse Béatrix revint tous les jours sur le balcon ; mais elle ne vit jamais reparaître ni la barque, ni le cygne, ni le chevalier.

« Et je venais prier Rodolphe d’Alost, continua Hé-