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LES FRÈRES CORSES

— Oui, reprit le jeune homme, c’était une manie de mon pauvre frère Louis : il aimait à vivre à la française ; mais je doute qu’en sortant de Paris, cette pauvre parodie de la civilisation qu’il quittera lui suffise comme elle lui suffisait avant son départ.

— Et monsieur votre frère a quitté la Corse depuis longtemps ? demandai-je à mon jeune interlocuteur.

— Depuis dix mois, monsieur.

— Vous l’attendez bientôt ?

— Oh ! pas avant trois ou quatre ans.

— C’est une absence bien longue pour deux frères qui, sans doute, ne s’étaient jamais quittés ?

— Oui, et surtout qui s’aimaient comme nous nous aimions.

— Sans doute, il viendra vous voir avant la fin de ses études ?

— Probablement : il nous l’a promis du moins.

— En tout cas, rien n’empêcherait que, de votre côté, vous n’allassiez lui faire une visite ?

— Non… moi, je ne quitte pas la Corse.

Il y avait, dans l’accent dont était faite cette réponse, cet amour de la patrie qui confond le reste de l’univers dans un même dédain.

Je souris.

— Cela vous semble étrange, reprit-il en souriant à son tour, qu’on ne veuille pas quitter un misérable pays comme le nôtre. Que voulez-vous ! je suis une espèce