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LES FRÈRES CORSES

mais aussi sans le mépriser ; grave parce qu’il est solitaire, calme parce qu’il est fort.

D’un seul regard, il avait tout vu, mon nécessaire, mes armes, l’habit que je venais de quitter, celui que je portais.

Son coup d’œil était rapide et sûr comme celui de tout homme dont la vie dépend parfois d’un coup d’œil.

— Vous m’excuserez si je vous dérange, monsieur, me dit-il, mais je l’ai fait dans une bonne intention, celle de m’informer si vous ne manquez de rien. Ce n’est jamais sans une certaine inquiétude que je vois arriver chez nous un homme du continent ; car nous sommes encore si sauvages, nous autres Corses, que ce n’est vraiment qu’en tremblant que nous exerçons, vis-à-vis des Français surtout, cette vieille hospitalité qui sera bientôt, au reste, la seule tradition qui nous restera de nos pères.

— Et vous avez tort de craindre, monsieur, répondis-je ; il est difficile de mieux aller au-devant de tous les besoins d’un voyageur que ne l’a fait madame de Franchi ; d’ailleurs, continuai-je en jetant à mon tour un coup d’œil autour de l’appartement, ce n’est point ici que je me plaindrai de cette prétendue sauvagerie que vous me signalez avec un peu de bonne volonté, et, si je ne voyais pas de mes fenêtres cet admirable paysage, je pourrais me croire dans une chambre de la Chaussée-d’Antin.