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LES FRÈRES CORSES

je m’aperçois que vous êtes plus avancé que moi de toute votre toilette, et que, dans un quart d’heure, on va se mettre à table.

— Est-ce pour moi que vous allez prendre la peine de changer de costume ?

— Quand il en serait ainsi, vous n’auriez de reproche à faire qu’à vous-même ; car vous m’auriez donné l’exemple ; mais, en tout cas, je suis en costume de cavalier, et il faut que je me mette en costume de montagnard. J’ai, après le souper, une course à faire, dans laquelle mes bottes et mes éperons me gêneraient fort.

— Vous sortez après le souper ? lui demandai-je.

— Oui, reprit-il, un rendez-vous…

Je souris.

— Oh ! pas dans le sens où vous le prenez ; c’est un rendez-vous d’affaires.

— Me croyez-vous assez présomptueux pour croire que j’aie droit à vos confidences ?

— Pourquoi pas ? Il faut vivre de manière à pouvoir dire tout haut tout ce qu’on fait. Je n’ai jamais eu de maîtresse, je n’en aurai jamais. Si mon frère se marie et a des enfants, il est probable que je ne me marierai même pas. Si, au contraire, il ne prend point de femme, il faudra bien que j’en prenne une ; mais alors ce sera pour que la race ne s’éteigne pas. Je vous l’ai dit, ajouta-t-il en riant, je suis un véritable sauvage, et je suis venu au monde cent ans trop tard. Mais je continue à