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LES FRÈRES CORSES

— Ce qui prouve que, moi aussi, je dégénère ; mon père, mon grand-père, mon aïeul, un de mes ancêtres quelconque, eût pris parti pour l’une ou l’autre des deux factions qui divisent le village depuis dix ans. Eh bien, moi, savez-vous ce que je suis dans tout cela, au milieu des coups de fusil, au milieu des coups de stylet, au milieu des coups de couteau ? Je suis arbitre. Vous êtes venu dans la province de Sartène pour voir des bandits, n’est-ce pas ? Eh bien, venez avec moi ce soir, je vous en montrerai un.

— Comment ! vous permettez que je vous accompagne ?

— Oh ! mon Dieu, oui, si cela peut vous amuser, il ne tient qu’à vous.

— Par exemple, j’accepte, et avec grand plaisir.

— Monsieur est bien fatigué, dit madame de Franchi en jetant un coup d’œil à son fils, comme si elle eût partagé la honte qu’il éprouvait à voir la Corse dégénérer ainsi.

— Non, ma mère, non, il faut qu’il vienne, au contraire ; et, lorsque, dans quelque salon parisien, on parlera devant monsieur de ces terribles vendettes et de ces implacables bandits corses qui font encore peur aux petits enfants de Bastia et d’Ajaccio, du moins il pourra lever les épaules et dire ce qu’il en est.

— Mais pour quel motif était venue cette grande querelle qui, autant que j’en puis juger par ce que vous me dites, est sur le point de s’éteindre.