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LES FRÈRES CORSES

— Oh ! dit Lucien, dans une querelle ce n’est pas le motif qui fait quelque chose, c’est le résultat. Si une mouche, en volant de travers, a causé la mort d’un homme, il n’y en a pas moins un homme mort.

Je vis qu’il hésitait lui-même à me dire la cause de cette guerre terrible qui, depuis dix ans, désolait le village de Sullacaro.

Mais, comme on le comprend bien, plus il se faisait discret, plus je me fis exigeant.

— Cependant, dis-je, cette querelle a eu un motif. Ce motif est-il un secret ?

— Mon Dieu, non. La chose est née entre les Orlandi et les Colona.

— À quelle occasion ?

— Eh bien, une poule s’est échappée de la basse-cour des Orlandi et s’est envolée dans celle des Colona.

« Les Orlandi ont été réclamer leur poule ; les Colona ont soutenu qu’elle était à eux ; les Orlandi ont menacé les Colona de les conduire devant le juge de paix et de leur déférer le serment.

« Alors la vieille mère, qui tenait la poule, lui a tordu le cou et l’a jetée à la figure de sa voisine en lui disant :

« — Eh bien, puisqu’elle est à toi, mange-la,

« Alors un Orlandi a ramassé la poule par les pattes, et a voulu en frapper celle qui l’avait jetée à la figure de sa sœur. Mais, au moment où il levait la main, un