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LES FRÈRES CORSES

tendre, si triste, si prolongé et si lamentable, que je tressaillis et que je m’arrêtai en portant la main sur le bras du jeune homme.

— Qu’est-ce que cela ? lui demandai-je.

— Rien ; c’est Diamante qui pleure.

— Et qui pleure-t-il ?

— Son maître… Croyez-vous donc que les chiens soient des hommes, pour oublier ceux qui les ont aimés ?

— Ah ! je comprends, dis-je.

Diamante fit entendre un second hurlement plus prolongé, plus triste et plus lamentable encore que le premier.

— Oui, continuai-je, son maître a été tué, m’avez-vous dit, et nous approchons de l’endroit où il a été tué.

— Justement, et Diamante nous a quittés pour aller au Mucchio.

— Le Mucchio alors, c’est la tombe ?

— Oui, c’est-à-dire le monument que chaque passant, en y jetant une pierre et une branche d’arbre, dresse sur la fosse de tout homme assassiné. Il en résulte qu’au lieu de s’affaisser comme les autres fosses sous les pas de ce grand niveleur qu’on appelle le temps, le tombeau de la victime grandit toujours, symbole de la vengeance qui doit lui survivre et grandir incessamment au cœur de ses plus proches parents.