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LES FRÈRES CORSES

sent avoir eu tort. Cette dernière considération l’a déterminé.

— Et c’est demain que cette touchante réconciliation doit avoir lieu ?

— Demain, à dix heures. Vous voyez que vous n’êtes pas encore trop malheureux. Vous espériez voir une vendette !

Le jeune homme reprit en riant d’un rire amer :

— Bah ! la belle chose qu’une vendette. Depuis quatre cents ans, en Corse, on n’entend parler que de cela. Vous verrez une réconciliation. Ah ! c’est bien autrement rare qu’une vendette.

Je me mis à rire.

— Vous voyez bien, me dit-il, que vous riez de nous, et vous avez raison ; nous sommes, en vérité, de drôles de gens.

— Non, lui dis-je, je ris d’une chose étrange, c’est de vous voir furieux contre vous-même d’avoir si bien réussi.

— N’est-ce pas ? Ah ! si vous aviez pu me comprendre, vous eussiez admiré mon éloquence. Mais revenez dans dix ans, et, soyez tranquille, tout ce monde parlera français.

— Vous êtes un excellent avocat.

— Non pas, entendons-nous, je suis arbitre. Que diable voulez-vous ! le devoir d’un arbitre, c’est la conciliation. On me nommerait arbitre entre le bon Dieu