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LES FRÈRES CORSES

« Ce fut elle alors qui sauta à bas du lit et qui me recoucha malgré moi ; car je pleurais fort, criant toujours :

« — Papa est à la porte, et je veux voir papa avant qu’il s’en aille pour toujours.

— Et depuis, cette apparition s’est-elle renouvelée ? demanda Lucien.

— Non, quoique bien souvent je l’aie appelée ; mais, peut-être aussi, Dieu accorde-t-il à la pureté de l’enfant des privilèges qu’il refuse à la corruption de l’homme.

— Eh bien, me dit en souriant Lucien, dans notre famille, nous sommes plus heureux que vous.

— Vous revoyez vos parents morts ?

— Toutes les fois qu’un grand événement va s’accomplir ou s’est accompli.

— Et à quoi attribuez-vous ce privilège accordé à votre famille ?

— Voici ce qui s’est conservé chez nous comme tradition : je vous ai dit que Savilia mourut laissant deux fils.

— Oui, je me le rappelle.

— Ces deux fils grandirent, s’aimant de tout l’amour qu’ils eussent reporté sur leurs autres parents, si leurs autres parents eussent vécu. Ils se jurèrent donc que rien ne pourrait les séparer, pas même la mort ; et, à la suite de je ne sais quelle puissante conjuration, ils écrivirent, avec leur sang, sur un morceau de parche-