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LES FRÈRES CORSES

min qu’ils échangèrent, le serment réciproque que le premier mort apparaîtrait à l’autre, d’abord au moment de sa propre mort, puis ensuite dans tous les moments suprêmes de sa vie. Trois mois après, l’un des deux frères fut tué dans une embuscade, au moment même où l’autre cachetait une lettre qui lui était destinée ; mais, comme il venait d’appuyer sa bague sur la cire encore brûlante, il entendit un soupir derrière lui, et, se retournant, il vit son frère debout et la main appuyée sur son épaule, quoiqu’il ne sentît pas cette main. Alors, par un mouvement machinal, il lui tendit la lettre qui lui était destinée ; l’autre prit la lettre et disparut. La veille de sa mort, il le revit. Sans doute les deux frères ne s’étaient pas seulement engagés pour eux, mais encore pour leurs descendants ; car, depuis cette époque, les apparitions se sont renouvelées, non seulement au moment de la mort de ceux qui trépassaient, mais encore à la veille de tous les grands événements.

— Et avez-vous jamais eu quelque apparition ?

— Non ; mais, comme mon père, pendant la nuit qui a précédé sa mort, a été prévenu par son père qu’il allait mourir, je présume que nous jouirons, mon frère et moi, du privilège de nos ancêtres, n’ayant rien fait pour démériter de cette faveur.

— Et ce privilège est accordé aux mâles de la famille seulement ?