Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/101

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Cette interpellation, si étrangement familière qu’elle fût, n’excita aucun étonnement chez celui auquel elle était adressée.

— J’y ferai mon possible, dit-il ; mais, pour plus grande certitude, enquérez-voue de votre côté.

— Hum ! fit le laquais d’un ton maussade, voilà qui n’est point rassurant.

— Ne vous reste-t-il absolument rien ? demanda Pertinax.

— Nous avons mangé notre dernier écu à Sens.

— Dame ! voyez à faire argent de quelque chose.

Il achevait à peine, quand on entendit crier dans la rue, puis sur le seuil de l’hôtellerie :

— Marchand de vieux fer ! qui vend son fer et sa ferraille ?

À ce cri, madame Fournichon courut vers la porte, tandis que Fournichon transportait majestueusement les premiers plats sur la table.

Si l’on en juge d’après l’accueil qui lui fut fait, la cuisine de Fournichon était exquise.

Fournichon, ne pouvant faire face à tous les compliments qui lui étaient adressés, voulut admettre sa femme à leur partage.

Il la chercha des yeux, mais inutilement ; elle avait disparu.

Il l’appela.

— Que fait-elle donc ? demanda-t-il à un marmiton en voyant qu’elle ne venait pas.

— Ah ! maître, un marché d’or, répondit celui-ci. Elle vend toute votre vieille ferraille pour de l’argent neuf.

— J’espère qu’il n’est pas question de ma cuirasse de guerre ni de mon armet de bataille ! s’écria Fournichon en s’élançant vers la porte.

— Et non, et non, dit Loignac, puisque l’achat des armes est défendu par ordonnance du roi.

— N’importe, dit Fournichon. Et il courut vers la porte.

Madame Fournichon rentrait triomphante.