Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/125

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— À sa façon.

— Et elle a le pouvoir de se faire ouvrir les portes de Paris ? dirent les ligueurs, jaloux et soupçonneux comme sont toujours les petits lorsqu’ils s’allient aux grands.

— Messieurs, dit Mayneville, il se passait ce matin aux portes de Paris une chose que vous paraissez ignorer ou du moins ne savoir que vaguement. La consigne avait été donnée de ne laisser franchir la barrière qu’à ceux qui seraient porteurs d’une carte d’admission : de qui devait être signée cette carte ? je l’ignore. Or, devant nous, à la porte Saint-Antoine, cinq ou six hommes, dont quatre assez pauvrement vêtus et d’assez mauvaise mine, six hommes sont venus ; ils étaient porteurs de ces cartes obligées et nous ont passé devant la face. Quelques-uns d’entre eux avaient l’insolente bouffonnerie des gens qui se croient en pays conquis. Quels sont ces hommes ? quelles sont ces cartes ? répondez-nous, messieurs de Paris, vous qui avez charge de ne rien ignorer touchant les affaires de votre ville.

Ainsi Mayneville, d’accusé, s’était fait accusateur, ce qui est le grand art de l’art oratoire.

— Des cartes, des gens insolents, des admissions exceptionnelles aux portes de Paris ! oh ! oh ! que veut dire cela ? demanda Nicolas Poulain tout rêveur.

— Si vous ne savez pas ces choses, vous qui vivez ici, comment les saurions-nous, nous qui vivons en Lorraine, passant tout notre temps à courir sur les routes pour joindre les deux bouts de ce cercle qu’on appelle l’Union ?

— Et ces gens, enfin, comment venaient-ils ?

— Les uns à pied, les autres à cheval ; les uns seuls, d’autres avec des laquais.

— Sont-ce des gens du roi ?

— Trois ou quatre avaient l’air de mendiants.

— Sont-ce des gens de guerre ?

— Ils n’avaient que deux épées à eux six.

— Ce sont des étrangers ?