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Mais les repos de Henri n’étaient pas longs. Miné par cette fièvre sourde qui usait la vie en lui pendant le sommeil comme pendant la veille, il crut entendre du bruit dans sa chambre et se réveilla.

— Joyeuse, demanda-t-il, est-ce toi ?

Personne ne répondit.

Les flammes de la lampe bleue s’étaient affaiblies ; elles ne renvoyaient plus au plafond de chêne sculpté qu’un cercle blafard qui verdissait l’or des caissons.

— Seul ! seul encore, murmura le roi. Ah ! le prophète a raison : Majesté devrait toujours soupirer. Il eût mieux fait de dire : Elle soupire toujours.

Puis, après une pause d’un instant :

— Mon Dieu ! marmotta-t-il en forme de prière, donnez-moi la force d’être toujours seul pendant ma vie, comme seul je serai après ma mort !

— Eh ! eh ! seul après ta mort, ce n’est pas sûr, répondit une voix stridente qui vibra comme une percussion métallique à quelques pas du lit ; et les vers, pour qui les prends-tu ?

Le roi, effaré, se souleva sur son séant, interrogeant avec anxiété chaque meuble de la chambre.

— Oh ! je connais cette voix, murmura-t-il.

— C’est heureux, répliqua la voix.

Une sueur froide passa sur le front du roi.

— On dirait la voix de Chicot, soupira-t-il.

— Tu brûles, Henri, tu brûles, répondit la voix.

Alors Henri, jetant une jambe hors du lit, aperçut à quelque distance de la cheminée, dans ce même fauteuil qu’il avait désigné une heure auparavant à d’Épernon, une tête sur laquelle le feu attachait un de ces reflets fauves qui seuls, dans les fonds de Rembrandt, illuminent un personnage qu’au premier coup d’œil on a peine à apercevoir.

Ce reflet descendait sur le bras du fauteuil, où était appuyé le bras du personnage, puis sur son genou osseux et