Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/20

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— Ah ! nous sommes cernés ! s’écria Friard.

— Sauve qui peut ! ajouta Miton.

Et tous deux, grâce à la haie franchie, ayant l’espace devant eux, gagnèrent le large, poursuivis par le regard railleur et le rire silencieux de l’homme aux longs bras et aux longues jambes qui, les ayant perdus de vue, s’approcha du Suisse qu’on venait de placer là en vedette.

— La main est bonne, compagnon, dit-il, à ce qu’il paraît ?

— Mais foui, Moussieu, pas mauvaise, pas mauvaise.

— Tant mieux, car c’est chose importante, surtout si les Lorrains venaient, comme on le dit.

— Ils ne fiennent bas.

— Non ?

— Bas di tout.

— D’où vient donc alors que l’on ferme cette porte ? Je ne comprends pas.

— Fous bas besoin di gombrendre, répliqua le Suisse en riant aux éclats de sa plaisanterie.

— C’être chuste, mon gamarate, très-chuste, dit Robert Briquet, merci.

Et Robert Briquet s’éloigna du Suisse pour se rapprocher d’un autre groupe, tandis que le digne Helvétien, cessant de rire, murmurait :

Bei Gott !… Ich glaube er soottet meiner. Was ist das für ein Mann, der sich erlaubt einen Schweizer seiner kœniglichen Majestæt auszulachen ?

Ce qui, traduit en français, voulait dire :

« Vrai Dieu ! je crois que c’est lui qui se moque de moi. Qu’est-ce que c’est donc que cet homme qui ose se moquer d’un Suisse de Sa Majesté ? »