Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/204

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disparition il s’était rapproché de la maison, il entendit son pas s’approcher, puis la porte s’ouvrit, et ils se trouvèrent face à face.

Cette fois le serviteur avait complètement enveloppé son visage dans son capuchon.

— Il fait bien froid ce matin, dit-il pour dissimuler ou excuser cette mystérieuse précaution.

— Une bise glaciale, mon voisin, répliqua Chicot, affectant de ne pas regarder son interlocuteur pour le mettre plus à l’aise.

— Je vous écoute. Monsieur.

— Voici, reprit Chicot : je pars.

— Vous m’avez déjà fait l’honneur de me le dire.

— Je m’en souviens parfaitement ; mais en partant je laisse de l’argent chez moi.

— Tant pis. Monsieur, tant pis ! emportez-le.

— Non pas ; l’homme est plus lourd et moins résolu quand il cherche à sauver sa bourse en même temps que sa vie. Je laisse donc ici de l’argent, bien caché toutefois, si bien caché même, que je n’ai à redouter qu’une mauvaise chance d’incendie. Si cela m’arrivait, veuillez, vous qui êtes mon voisin, surveiller la combustion de certaine grosse poutre dont vous voyez là, à droite, le bout sculpté en forme de gargouille ; surveillez, dis-je, et cherchez dans les cendres.

— En vérité, Monsieur, dit l’inconnu avec un mécontentement visible, vous me gênez fort. Cette confidence serait mieux faite à un ami qu’à un homme que vous ne connaissez pas, que vous ne pouvez connaître.

Tout en disant ces mots, son œil brillant interrogeait la grimace doucereuse de Chicot.

— C’est vrai, répondit celui-ci, je ne vous connais pas ; mais je suis très-confiant aux physionomies, et je trouve que votre physionomie est celle d’un honnête homme.

— Voyez cependant, Monsieur, de quelle responsabilité vous me chargez. Ne se peut-il pas aussi que toute cette