Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Ah ! Monsieur, vous avez raison, dix fois raison, vingt fois raison ; mais, ajouta-t-il, sans être trop curieux, oserais-je vous demander quel motif vous soupçonnez à cette mesure ?

— Pardieu ! dit un assistant, la crainte qu’ils ont qu’on ne leur mange leur Salcède.

— Cap de Bious ! dit une voix ; triste mangeaille !

Robert Briquet se retourna du côté d’où venait cette voix dont l’accent lui indiquait un Gascon renforcé, et il aperçut un jeune homme de vingt ou vingt-cinq ans qui appuyait sa main sur la croupe du cheval de celui qui lui avait paru le chef des autres.

Le jeune homme était nu-tête ; sans doute il avait perdu son chapeau dans la bagarre.

Maître Briquet paraissait un observateur ; mais, en général, ses observations étaient courtes ; aussi détourna-t-il rapidement son regard du Gascon, qui sans doute lui parut sans importance, pour le ramener sur le cavalier.

— Mais, dit-il, puisqu’on annonce que ce Salcède appartient à M. de Guise, ce n’est déjà point un si mauvais ragoût.

— Bah ! on dit cela ? reprit le Gascon curieux ouvrant de grandes oreilles.

— Oui, sans doute, on dit cela, répondit le cavalier en haussant les épaules : mais par le temps qui court, on dit tant de sornettes !

— Ah ! ainsi, hasarda Briquet avec son œil interrogateur et son sourire narquois, ainsi, vous croyez, Monsieur, que Salcède n’est point à M. de Guise ?

— Non-seulement je le crois, mais j’en suis sûr, répondit le cavalier.

Puis comme il vit que Robert Briquet, en se rapprochant de lui, faisait un mouvement qui voulait dire :

— Ah bah ! et sur quoi appuyez-vous cette certitude ?

Il continua :

— Sans doute ; si Salcède eût été au duc, le duc ne l’eût