Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/248

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— De l’argent ! s’écria Gorenflot en se levant avec précipitation, j’en ai plein mes coffres.

— Vous êtes bien heureux, par ma foi, dit Chicot.

— Voulez-vous mille écus ?

— Non pas, c’est beaucoup trop, cher ami ; je suis modeste dans mes goûts, humble dans mes désirs ; mon titre d’ambassadeur ne m’enorgueillit pas, et je le cache plutôt que je ne m’en vante : cent écus me suffiront.

— Les voilà. Et la seconde chose ?

— Un écuyer.

— Un écuyer ?

— Oui, pour m’accompagner ; j’aime la société, moi.

— Ah ! mon ami, si j’étais encore libre comme autrefois, dit Gorenflot en poussant un soupir.

— Oui, mais vous ne l’êtes plus.

— La grandeur m’enchaîne, murmura Gorenflot.

— Hélas ! dit Chicot, on ne peut pas tout faire à la fois : ne pouvant avoir votre honorable compagnie, très-cher prieur, je me contenterai donc de celle du petit frère Jacques.

— Du petit frère Jacques ?

— Oui, il me plaît, le gaillard.

— Et tu as raison, Chicot, c’est un sujet rare et qui ira loin.

— Je vais d’abord le mener à deux cent cinquante lieues, moi, si tu me l’accordes.

— Il est à toi, mon ami.

Le prieur frappa sur un timbre, au bruit duquel accourut un frère servant.

— Qu’on fasse monter le frère Jacques et le frère chargé des courses de la ville.

Dix minutes après, tous deux parurent sur le seuil de la porte.

— Jacques, dit Gorenflot, je vous donne une mission extraordinaire.