Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/256

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bourgeois comme moi peut être adroit de ses bras et de ses jambes ; mais ce qui lui manque, et ce qui lui manquera toujours, c’est le cœur d’un soldat. Le fleuret brille assez élégamment dans ma main ; mais Jacques, croyez-le bien, me ferait rompre d’ici à Charenton avec la pointe d’une épée.

— Vraiment ? fit Borromée à demi convaincu par l’air si simple et si bonhomme de Chicot, lequel, disons-le, venait de se faire plus bossu, plus torse et plus louche que jamais.

— Et puis le souffle me manque, continua Chicot ; vous avez remarqué que je ne puis pas rompre ; les jambes sont exécrables, voilà surtout mon défaut.

— Me permettrez-vous de vous faire observer, Monsieur, que ce défaut est plus grand encore pour voyager que pour faire des armes ?

— Ah ! vous savez que je voyage ? répondit négligemment Chicot.

— Panurge me l’a dit, répliqua Borromée en rougissant.

— Tiens, c’est drôle, je ne croyais pas avoir parlé de cela à Panurge ; mais n’importe, je n’ai pas de raison de me cacher. Oui, mon frère, je fais un petit voyage ; je vais dans mon pays où j’ai du bien.

— Savez-vous, monsieur Briquet, que vous procurez un bien grand honneur au frère Jacques ?

— Celui de m’accompagner ?

— D’abord, mais ensuite de voir le roi.

— Ou son valet de chambre, car il est possible et même probable que frère Jacques ne verra pas autre chose.

— Vous êtes donc un familier du Louvre ?

— Oh ! un des plus familiers, Monsieur ; c’est moi qui fournissais le roi et les jeunes seigneurs de la cour de bas drapés.

— Le roi ?

— J’avais déjà sa pratique qu’il n’était encore que duc