Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/269

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des épaules capables d’enlever les portes de Gaza, un grand couteau de cuisine passé dans la corde de sa ceinture, telles étaient, avec un sac roulé comme un bouclier autour de sa poitrine, les armes offensives et défensives de ce Goliath des jacobins.

— Décidément, dit Chicot, il est fort laid, et s’il ne m’apporte pas une excellente nouvelle, avec une tête comme celle-là, je trouverai qu’une pareille créature est fort inutile sur la terre.

Le moine, voyant toujours s’approcher Chicot, le salua presque militairement.

— Que voulez-vous, mon ami ? demanda Chicot.

— Vous êtes monsieur Robert Briquet ?

— En personne.

— En ce cas, j’ai pour vous une lettre du révérend prieur.

— Donnez.

Chicot prit la lettre ; elle était conçue en ces termes :

« Mon cher ami, j’ai bien réfléchi depuis notre séparation. Il m’est, en vérité, impossible de laisser aller aux loups dévorants du monde la brebis que le Seigneur m’a confiée. J’entends parler, vous le comprenez bien, de notre petit Jacques Clément, qui tout à l’heure a été reçu par le roi, et s’est parfaitement acquitté de votre message.

« Au lieu de Jacques, dont l’âge est encore tendre, et qui doit ses services au prieuré, je vous envoie un bon et digne frère de notre communauté ; ses mœurs sont douces et son humeur innocente : je suis sûr que vous l’agréerez pour compagnon de route… »

— Oui, oui, pensa Chicot en jetant de côté un regard sur le moine, compte là-dessus.

« Je joins à cette lettre ma bénédiction, que je regrette de ne vous avoir pas donnée de vive voix.

« Adieu, cher ami ! »

— Voilà une bien belle écriture ! dit Chicot lorsqu’il eut