— Je vous rappellerai, Monsieur, que l’on ne termine point ainsi une querelle sans s’exposer à faire rire, quand on est Gascons l’un et l’autre.
— Voilà précisément ce que j’attends, dit Sainte-Maline.
— Vous attendez ?…
— Un rieur. Oh ! l’excellent moment que celui-là me fera passer.
— Vous refusez donc le combat ?
— Je désire ne pas me battre, avec vous, s’entend.
— Après m’avoir provoqué ?
— J’en conviens.
— Mais enfin, Monsieur, si la patience m’échappe et que je vous charge à grands coups d’épée ?
Sainte-Maline serra convulsivement les poings.
— Alors, dit-il, tant mieux, je jetterai mon épée à dix pas.
— Prenez garde, Monsieur, car en ce cas je ne vous frapperai pas de la pointe.
— Bien, car alors j’aurai une raison de vous haïr, et je vous haïrai mortellement ; puis un jour, un jour de faiblesse de votre part, je vous rattraperai comme vous venez de le faire, et je vous tuerai, désespéré.
Ernauton remit son épée au fourreau.
— Vous êtes un homme étrange, dit-il, et je vous plains du plus profond de mon cœur.
— Vous me plaignez ?
— Oui, car vous devez horriblement souffrir.
— Horriblement.
— Vous ne devez jamais aimer.
— Jamais.
— Mais vous avez des passions, au moins.
— Une seule.
— La jalousie, vous me l’avez dit.
— Oui, ce qui fait que je les ai toutes à un degré de honte et de malheur indicible : j’adore une femme dès qu’elle aime