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— C’est mon fils, monsieur de Loignac.

— Eh bien ! déposez votre fils à terre.

Le Gascon obéit : l’enfant se mit à hurler.

— Ah çà ! vous êtes donc marié ? demanda Loignac.

— Oui, monsieur l’officier.

— À vingt ans ?

— On se marie jeune chez nous, vous le savez bien, monsieur de Loignac, vous qui vous êtes marié à dix-huit.

— Bon ! fit Loignac, en voilà encore un qui me connaît.

La femme s’était approchée pendant ce temps, et les enfants, pendus à sa robe, l’avaient suivie.

— Et pourquoi ne serait-il point marié ? demanda-t-elle en se redressant et en écartant de son front hâlé ses cheveux noirs que la poussière du chemin y fixait comme une pâte ; est-ce que c’est passé de mode de se marier à Paris ? Oui, Monsieur, il est marié, et voici encore deux autres enfants qui l’appellent leur père.

— Oui, mais qui ne sont que les fils de ma femme, monsieur de Loignac, comme aussi ce grand garçon qui se tient derrière ; avancez, Militor, et saluez monsieur de Loignac, notre compatriote.

Un garçon de seize à dix-huit ans, vigoureux, agile et ressemblant à un faucon par son œil rond et son nez crochu, s’approcha, les deux mains passées dans sa ceinture de buffle.

Il était vêtu d’une bonne casaque de laine tricotée, portait sur ses jambes musculeuses un haut-de-chausses en peau de chamois, et une moustache naissante ombrageait sa lèvre à la fois insolente et sensuelle.

— C’est Militor, mon beau-fils, monsieur de Loignac, le fils aîné de ma femme, qui est une Chavantrade, parente des Loignac. Militor de Chavantrade, pour vous servir. Saluez donc, Militor.

Puis, se baissant vers l’enfant qui se roulait en criant sur la route :