Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— À quoi donc croirais-je ?

— Que diable ! mon cher, vous savez bien la distance qu’il y a du prieuré au milieu de la route, puisque vous me l’avez fait mesurer : prenez garde ! vous m’en dites si peu, que j’en croirai peut-être beaucoup trop.

— Et vous aurez tort, cher monsieur Poulain ; je ne sais rien autre chose. Maintenant ne me retenez pas, je vous prie, car je ne trouverais plus madame la duchesse.

— Vous la trouverez toujours chez elle, où elle reviendra, et où vous auriez pu l’attendre.

— Ah dame ! fit Borromée, je ne suis pas fâché non plus de voir un peu M. le duc.

— Allons donc.

— Car enfin vous le connaissez : si une fois je le laisse partir chez sa maîtresse, on ne pourra plus mettre la main dessus.

— Voilà qui est parlé. Maintenant que je sais à qui vous avez affaire, je vous laisse ; adieu, et bonne chance !

Borromée, voyant le chemin libre, jeta, en échange de souhaits qui lui étaient adressés, un leste bonsoir à Nicolas Poulain, et s’élança dans la voie ouverte.

— Allons, allons, il y a encore quelque chose de nouveau, se dit Nicolas Poulain en regardant la robe du jacobin qui s’effaçait peu à peu dans l’ombre ; mais quel diable de besoin ai-je donc de savoir ce qui se passe ? est-ce que je prendrais goût par hasard au métier que je suis condamné à faire ? fi donc !

Et il s’alla coucher, non point avec le calme d’une bonne conscience, mais avec la quiétude que nous donne dans toutes les positions de ce monde, si fausses qu’elles soient, l’appui d’un plus fort que nous.

Pendant ce temps, Borromée continuait sa course, à laquelle il imprimait une vitesse qui lui donnait l’espérance de rattraper le temps perdu.

Il connaissait en effet les habitudes de M. de Mayenne, et