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Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/275

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— C’est bien, allez, mon chevalier.

Et la duchesse donna une seconde fois sa main à baiser à Ernauton, puis s’éloigna.

— C’est étrange, en vérité, dit le jeune homme revenant sur ses pas, cette femme a du goût pour moi, je n’en puis douter, et elle ne s’inquiète pas le moins du monde si je puis ou non être tué par ce coupe-jarret de Sainte-Maline.

Et un léger mouvement d’épaules prouva que le jeune homme estimait cette insouciance à sa valeur.

Puis revenant sur ce premier sentiment qui n’avait rien de flatteur pour son amour-propre :

— Oh ! poursuivit-il, c’est qu’en effet elle était bien troublée, la pauvre femme, et que la crainte d’être compromise est, chez les princesses surtout, le plus fort de tous les sentiments. Car, ajoutait-il en souriant à lui-même, elle est princesse.

Et comme ce dernier sentiment était le plus flatteur pour lui, ce fut ce dernier sentiment qui l’emporta.

Mais ce sentiment ne put effacer chez Carmainges le souvenir de l’insulte qui lui avait été faite ; il retourna donc droit à l’hôtellerie, pour ne laisser à personne le droit de supposer qu’il avait eu peur des suites que pourrait avoir cette affaire.

Il était naturellement décidé à enfreindre toutes les consignes et tous les serments possibles, et à en finir avec Sainte-Maline au premier mot qu’il dirait ou au premier geste qu’il se permettrait de faire.

L’amour et l’amour-propre blessés du même coup lui donnaient une rage de bravoure qui lui eût certainement, dans l’état d’exaltation où il était, permis de lutter avec dix hommes.

Cette résolution étincelait dans ses yeux, lorsqu’il toucha le seuil de l’hôtellerie du Fier Chevalier.

Madame Fournichon, qui attendait ce retour avec anxiété, se tenait toute tremblante sur le seuil.