Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/38

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Vers neuf heures et demie, un coup fut frappé timidement à la porte des commis épiciers, logés tous quatre ensemble dans une sorte de galetas, au-dessus du corridor des marchands, leurs patrons. L’un d’eux ouvrit d’assez mauvaise humeur, et se trouva nez à nez avec l’hôte.

— Messieurs, leur dit ce dernier, je vois avec bien de la joie que vous vous êtes couchés tout habillés ; je veux vous rendre un grand service. Vos maîtres se sont fort échauffés à table en parlant politique. Il paraît qu’un échevin de la ville les a entendus et a rapporté leurs propos au maire : or, notre ville se pique d’être fidèle ; le maire vient d’envoyer le guet qui a saisi vos patrons et les a conduits à l’hôtel de ville pour s’expliquer. La prison est bien près de l’hôtel de ville ; mes garçons, gagnez au pied ; vos mules vous attendent, vos patrons vous rejoindront toujours bien.

Les quatre commis bondirent comme des chevreaux, se faufilèrent dans l’escalier, sautèrent tout tremblants sur leurs mules et reprirent le chemin de Paris, après avoir chargé l’hôte d’avertir leurs maîtres de leur départ et de la direction adoptée, s’il arrivait que leurs maîtres revinssent à l’hôtellerie.

Cela fait, et ayant vu disparaître les quatre garçons au coin de la rue, l’hôte s’en alla heurter, avec la même précaution, à la première porte du corridor.

Il gratta si bien, que le premier marchand lui cria d’une voix de stentor :

— Qui va là ?

— Silence, malheureux ! répondit l’hôte ; venez auprès de la porte, et marchez sur la pointe des pieds.

Le marchand obéit ; mais comme c’était un homme prudent, tout en collant son oreille à la porte, il n’ouvrit pas et demanda :

— Qui êtes-vous ?

— Ne reconnaissez-vous pas la voix de votre hôte ?

— C’est vrai ; eh ! mon Dieu, qu’y a-t-il ?