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j’ai défendu l’homme seul ; puis quand ce brave au secours de qui j’étais venu, car, quel qu’il soit, Monsieur, cet homme est brave ; puis quand ce brave, demeuré seul à seul avec vous, eut décidé la victoire par le coup qui vous abattit, alors, voyant qu’il allait abuser de la victoire en vous tuant, j’ai interposé mon épée.

— Vous me connaissez donc ? demanda Mayenne avec un regard scrutateur.

— Je n’ai pas besoin de vous connaître, Monsieur ; je sais que vous êtes un homme blessé, et cela me suffit.

— Soyez franc, Monsieur, reprit Mayenne, vous me connaissez.

— Il est étrange, Monsieur, que vous ne consentiez point à me comprendre. Je ne trouve point, quant à moi, qu’il soit plus noble de tuer un homme sans défense que d’assaillir à six un homme qui passe.

— Vous admettez cependant qu’à toute chose il puisse y avoir des raisons.

Ernauton s’inclina, mais ne répondit point.

— N’avez-vous pas vu, continua Mayenne, que j’ai croisé l’épée seul à seul avec cet homme ?

— Je l’ai vu, c’est vrai.

— D’ailleurs, cet homme est mon plus mortel ennemi.

— Je le crois, car il m’a dit la même chose de vous.

— Et si je survis à ma blessure ?

— Cela ne me regardera plus, et vous ferez ce qu’il vous plaira, Monsieur.

— Me croyez-vous bien dangereusement blessé ?

— J’ai examiné votre blessure. Monsieur, et je crois que, quoique grave, elle n’entraîne point danger de mort. Le fer a glissé le long des côtes, à ce que je crois, et ne pénètre pas dans la poitrine. Respirez, et, je l’espère, vous n’éprouverez aucune douleur du côté du poumon.

Mayenne respira péniblement, mais sans souffrance intérieure.