Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/57

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point votre soldat qui resterait près de vous, et moi qui vous enverrais un chirurgien ?

Mayenne hésita.

— Savez-vous le nom de mon ennemi ? demanda-t-il.

— Non, Monsieur.

— Quoi ! vous lui avez sauvé la vie, et il ne vous a pas dit son nom ?

— Je ne le lui ai pas demandé.

— Vous ne le lui avez pas demandé ?

— Je vous ai sauvé la vie aussi, à vous, Monsieur : vous ai-je, pour cela, demandé le vôtre ? mais, en échange, vous savez tous deux le mien. Qu’importe que le sauveur sache le nom de son obligé ? c’est l’obligé qui doit savoir celui de son sauveur.

— Je vois, Monsieur, dit Mayenne, qu’il n’y a rien à apprendre de vous, et que vous êtes discret autant que vaillant.

— Et moi, Monsieur, je vois que vous prononcez ces paroles avec une intention de reproche, et je le regrette ; car, en vérité, ce qui vous alarme devrait au contraire vous rassurer. On n’est pas discret beaucoup avec celui-ci sans l’être un peu avec celui-là.

— Vous avez raison : votre main, monsieur de Carmainges.

Ernauton lui donna la main, mais sans que rien dans son geste indiquât qu’il savait donner la main à un prince.

— Vous avez inculpé ma conduite, Monsieur, continua Mayenne, je ne puis me justifier sans révéler de grands secrets ; mieux vaut, je crois, que nous ne poussions pas plus loin nos confidences.

— Remarquez, Monsieur, répondit Ernauton, que vous vous défendez quand je n’accuse pas. Vous êtes parfaitement libre, croyez-le bien, de parler ou de vous taire.

— Merci, Monsieur, je me tais. Sachez seulement que je