Le fait est que de Paris à Vincennes le nom d’Ernauton fut prononcé au moins dix fois par le roi, et au moins quatre fois par le duc, sans que Sainte-Maline pût comprendre à quel propos avaient eu lieu ces dix répétitions.
Il se figura, on aime toujours à se leurrer, qu’il ne s’agissait, de la part du roi, que de demander la cause de la disparition du jeune homme, et de la part de d’Épernon, que de raconter cette cause présumée ou réelle.
Enfin l’on arriva à Vincennes.
Il restait encore au roi trois péchés à découper. Aussi, sous le prétexte spécieux de se livrer à cette grave occupation. Sa Majesté, à peine descendue de voiture, s’enferma-t-elle dans sa chambre.
Il faisait la bise la plus froide du monde ; aussi Sainte-Maline commençait-il à s’accommoder dans une grande cheminée où il comptait se réchauffer, et dormir en se réchauffant, lorsque Loignac lui posa la main sur l’épaule.
— Vous êtes de corvée aujourd’hui, lui dit-il de cette voix brève qui n’appartient qu’à l’homme qui, ayant beaucoup obéi, sait à son tour se faire obéir ; vous dormirez donc un autre soir : ainsi, debout, monsieur de Sainte-Maline.
— Je veillerai quinze jours de suite s’il le faut, Monsieur, répondit celui-ci.
— Je suis fâché de n’avoir personne sous la main, dit Loignac en faisant semblant de chercher autour de lui.
— Monsieur, interrompit Sainte-Maline, il est inutile que vous vous adressiez à un autre ; s’il le faut, je ne dormirai pas d’un mois.
— Oh ! nous ne serons pas si exigeants que cela ; tranquillisez-vous.
— Que faut-il faire, Monsieur ?
— Remonter à cheval et retourner à Paris.
— Je suis prêt ; j’ai mis mon cheval tout sellé au râtelier.
— C’est bien. Vous irez droit au logis des quarante-cinq.
— Oui, Monsieur.