Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/103

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Tout le monde s’inclina.

— Allez à votre visite, comte.

Du Bouchage sortit de la salle.

Il n’avait fallu, comme on le voit, qu’un instant à ce vagabond, à ce fugitif, à ce vaincu, pour redevenir fier, insouciant et impérieux.

Commander à cent hommes ou à cent mille, c’est toujours commander ; le duc d’Anjou en eût agi de même avec Joyeuse. Les princes ne demandent jamais ce qu’ils croient mériter, mais ce qu’ils croient qu’on leur doit.

Tandis que du Bouchage exécutait l’ordre avec d’autant plus de ponctualité qu’il voulait paraître moins dépité d’obéir, François questionnait, et Aurilly, cette ombre du maître, laquelle suivait tous ses mouvements, questionnait aussi.

Le duc trouvait étonnant qu’un homme du nom et du rang de du Bouchage, eût consenti à prendre ainsi le commandement d’une poignée d’hommes et se fût chargé d’une expédition aussi périlleuse. C’était, en effet, le poste d’un simple enseigne, et non celui du frère d’un grand amiral.

Chez le prince tout était soupçon, et tout soupçon avait besoin d’être éclairci. Il insista donc, et apprit que le grand amiral, en mettant son frère à la tête de la reconnaissance, n’avait fait que céder à ses pressantes instances.

Celui qui donnait ce renseignement au duc, et qui le donnait sans mauvaise intention aucune, était l’enseigne des gendarmes d’Aunis, lequel avait recueilli du Bouchage, et s’était vu enlever son commandement, comme du Bouchage venait de se voir enlever le sien par le duc.

Le prince avait cru apercevoir un léger sentiment d’irritabilité dans le cœur de l’enseigne contre du Bouchage, voilà pourquoi il interrogeait particulièrement celui-ci.

— Mais, demanda le prince, quelle était donc l’intention du comte, qu’il sollicitait avec tant d’instance un si pauvre commandement ?