Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/184

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— C’est vrai, je l’avais oublié. Eh bien, c’est tout simple.

— Dites alors.

— Et en deux mots vous serez au courant.

— J’écoute.

— J’espionnais pour le roi.

— Comment, vous espionniez ?

— Oui.

— Vous êtes donc espion par état ?

— Non, en amateur.

— Qu’espionniez-vous chez dom Modeste ?

— Tout. J’espionnais dom Modeste d’abord, puis frère Borromée ensuite, puis le petit Jacques, puis tout le couvent.

— Et qu’avez-vous découvert, mon digne ami ?

— J’ai d’abord découvert que dom Modeste est une grosse bête.

— Il ne faut pas être fort habile pour cela.

— Pardon, pardon ! car Sa Majesté Henri III, qui n’est pas un niais, le regarde comme la lumière de l’Église, et compte en faire un évêque.

— Soit, je n’ai rien à dire contre cette promotion, au contraire ; je rirai bien ce jour-là. Et qu’avez-vous découvert encore ?

— J’ai découvert que certain frère Borromée n’était pas un moine, mais un capitaine.

— Ah ! vraiment ! vous avez découvert cela ?

— Du premier coup.

— Après ?

— J’ai découvert que le petit Jacques s’exerçait avec le fleuret en attendant qu’il s’escrimât avec l’épée, et qu’il s’exerçait sur une cible en attendant qu’il s’exerçât sur un homme.

— Ah ! tu as découvert cela ! dit Borromée en fronçant le sourcil. Et après, qu’as-tu découvert encore ?

— Oh ! donne-moi à boire, ou sans cela je ne me souviendrai plus de rien.