Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/193

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Cependant le sang filtrait en filets bouillants de la blessure, et la souffrance de l’agonie se peignait sur les traits du blessé.

— Je meurs, j’expire, murmura-t-il ; mon Dieu Seigneur, ayez pitié de moi !

Ce dernier appel à la miséricorde divine, fait par un homme qui sans doute n’y avait guère songé que dans ce moment suprême, toucha Chicot.

— Soyons charitable, dit-il, et puisque cet homme doit mourir, qu’il meure au moins le plus doucement possible.

Et s’approchant de la cloison, il retira avec effort son épée de la muraille, et, soutenant le corps de Borromée, il empêcha que ce corps ne tombât lourdement à terre.

Mais cette dernière précaution était inutile : la mort était accourue rapide et glacée, elle avait déjà paralysé les membres du vaincu ; ses jambes fléchirent, il glissa dans les bras de Chicot et roula lourdement sur le plancher.

Cette secousse fit jaillir de la blessure un flot de sang noir, avec lequel s’enfuit le reste de la vie qui animait encore Borromée.

Alors Chicot alla ouvrir la porte de communication, et appela Bonhomet.

Il n’appela pas deux fois ; le cabaretier avait écouté à la porte, et avait successivement entendu le bruit des tables, des escabeaux, du frottement des épées et de la chute d’un corps pesant ; or, il avait, surtout après la confidence qui lui avait été faite, trop d’expérience, ce digne monsieur Bonhomet, du caractère des gens d’épée en général, et de celui de Chicot en particulier, pour ne pas deviner de point en point ce qui s’était passé.

La seule chose qu’il ignorât, c’était celui des deux adversaires qui avait succombé.

Il faut le dire à la louange de maître Bonhomet, sa figure prit une expression de joie véritable lorsqu’il entendit la