Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/228

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cardinal espéra l’avoir attendri et ébranlé dans sa résolution.

— Tiens, dit-il, essaye d’une autre ressource, Henri : ce dard empoisonné que tu traînes à ton cœur, porte-le partout, dans le bruit, dans les fêtes, assieds-toi avec lui à nos festins ; imite le faon blessé, qui traverse les taillis, les halliers, les ronces, pour essayer d’arracher de son flanc la flèche retenue aux lèvres de la blessure ; quelquefois la flèche tombe.

— Mon frère, par grâce, dit Henri, n’insistez point davantage ; ce que je vous demande n’est point le caprice d’un instant, la décision d’une heure, c’est le fruit d’une lente et douloureuse résolution. Mon frère, au nom du ciel, je vous adjure de m’accorder la grâce que je vous demande !

— Eh bien ! quelle grâce demandes-tu, voyons ?

— Une dispense, Monseigneur.

— Pourquoi faire ?

— Pour abréger mon noviciat.

— Ah ! je le savais, du Bouchage, tu es mondain jusque dans ton rigorisme, pauvre ami. Oh ! je sais la raison que tu vas me donner. Oh ! oui, tu es bien un homme de notre monde : tu ressembles à ces jeunes gens qui se font volontaires et veulent bien du feu, des balles, des coups, mais non pas du travail de la tranchée et du balayage des tentes. Il y a de la ressource, Henri ; tant mieux, tant mieux !

— Cette dispense, mon frère, cette dispense, je vous la demande à genoux.

— Je te la promets ; je vais écrire à Rome. C’est un mois qu’il faut pour que la réponse arrive ; mais, en échange, promets-moi une chose.

— Laquelle ?

— C’est, pendant ce mois d’attente, de ne refuser aucun des plaisirs qui se présenteront à vous ; et si dans un mois vous tenez encore à vos projets, Henri, eh bien ! je vous li-