Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/229

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vrerai cette dispense de ma main. Êtes-vous satisfait, maintenant, et n’avez-vous plus rien à demander ?

— Non, mon frère, merci ; mais un mois, c’est si long, et les délais me tuent !

— En attendant, mon frère, et pour commencer à vous distraire, vous plairait-il de déjeuner avec moi ? J’ai bonne compagnie ce matin.

Et le prélat se mit à sourire d’un air que lui eût envié le plus mondain des favoris de Henri III.

— Mon frère… dit du Bouchage en se défendant.

— Je n’admets pas d’excuse ; vous n’avez que moi ici, puisque vous arrivez de Flandre, et que votre maison ne doit pas être remontée encore.

À ces mots, le cardinal se leva, et tirant une portière qui fermait un grand cabinet somptueusement meublé :

— Venez, comtesse, dit-il, que nous persuadions M. le comte du Bouchage de demeurer avec nous.

Mais au moment où le cardinal avait soulevé la portière, Henri avait vu, à demi couché sur des coussins, le page qui était rentré avec le gentilhomme de la grille du bord de l’eau, et dans ce page, avant même que le prélat n’eût dénoncé son sexe, il avait reconnu une femme.

Quelque chose comme une terreur subite, comme un effroi invincible, le prit, et, tandis que le mondain cardinal allait chercher le beau page par la main, Henri du Bouchage s’élançait hors de l’appartement, si bien que lorsque François ramena la dame, toute souriante de l’espoir de ramener un cœur vers le monde, la chambre était parfaitement vide.

François fronça le sourcil, et s’asseyant devant une table chargée de papiers et de lettres, il écrivit précipitamment quelques lignes.

— Veuillez sonner, chère comtesse, dit-il, vous avez la main sur le timbre.

Le page obéit.