Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/234

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— Si vous ordonnez, mon frère… dit Henri avec résignation.

— Appelez cela du nom qu’il vous plaira, comte, désir ou ordre ; mais attendez-moi.

— J’obéirai, mon frère.

— Et je suis persuadé que vous ne m’en voudrez pas, ajouta Joyeuse en pressant le jeune homme dans ses bras.

Celui-ci se déroba un peu aigrement peut-être à l’accolade fraternelle, demanda ses chevaux et partit immédiatement pour Château-Thierry.

Il courait avec la colère d’un homme contrarié, c’est-à-dire qu’il dévorait l’espace.

Le soir même il gravissait, avant la nuit, la colline sur laquelle Château-Thierry est assis, avec la Marne à ses pieds.

Son nom lui fit ouvrir les portes du château qu’habitait le prince ; mais quant à une audience, il fut plus d’une heure à l’obtenir.

Le prince, disaient les uns, était dans ses appartements ; il dormait, disait un autre ; il faisait de la musique, supposait le valet de chambre.

Seulement nul, parmi les domestiques, ne pouvait donner une réponse positive.

Henri insista pour n’avoir plus à penser au service du roi, et se livrer, dès lors, tout entier à sa tristesse.

Sur cette insistance, et comme on le savait lui et son frère des plus familiers du duc, on le fit entrer dans l’un des salons du premier étage, où le prince consentit enfin à le recevoir.

Une demi-heure s’écoula, la nuit tombait insensiblement du ciel.

Le pas traînant et lourd du duc d’Anjou résonna dans la galerie ; Henri, qui le reconnut, se prépara au cérémonial d’usage.

Mais le prince, qui paraissait fort pressé, dispensa vite