Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/235

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son ambassadeur de ces formalités en lui prenant la main et en l’embrassant.

— Bonjour, comte, dit-il, pourquoi vous dérange-t-on pour venir voir un pauvre vaincu ?

— Le roi m’envoie, Monseigneur, vous prévenir qu’il a grand désir de voir Votre Altesse, et que, pour la laisser reposer de ses fatigues, c’est Sa Majesté qui se rendra au-devant d’elle et qui viendra visiter Château-Thierry demain au plus tard.

— Le roi viendra demain ! s’écria François avec un mouvement d’impatience.

Mais il se reprit promptement.

— Demain, demain ! dit-il, mais, en vérité, rien ne sera prêt au château ni dans la ville pour recevoir Sa Majesté !

Henri s’inclina en homme qui transmet un ordre, mais qui n’a point charge de le commenter.

— La grande hâte où Leurs Majestés sont de voir Votre Altesse ne leur a pas permis de penser aux embarras.

— Eh bien ! eh bien ! fit le prince avec volubilité, c’est à moi de mettre le temps en double. Je vous laisse donc, Henri ; merci de votre célérité, car vous avez couru vite, à ce que je vois ; reposez-vous.

— Votre Altesse n’a pas d’autres ordres à me transmettre ? demanda respectueusement Henri.

— Aucun. Couchez-vous. On vous servira chez vous, comte. Je n’ai pas de service ce soir, je suis souffrant, inquiet ; j’ai perdu appétit et sommeil, ce qui me compose une vie lugubre et à laquelle, vous le comprenez, je ne fais participer personne. À propos, vous savez la nouvelle ?

— Non, Monseigneur ; quelle nouvelle ?

— Aurilly a été mangé par les loups…

— Aurilly ! s’écria Henri avec surprise.

— Eh ! oui… dévoré !… C’est étrange comme tout ce qui m’approche meurt mal ! Bonsoir, comte, dormez bien.

Et le prince s’éloigna d’un pas rapide.