Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/240

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à cet intérêt sourd et tenace que lui inspirait cette histoire ; à lui aussi, qui avait vu Diane et sont compagnon confiés à Aurilly, cette idée était venue que les deux voyageurs qui avaient annoncé au prince la mort du malheureux joueur de luth étaient de sa connaissance.

Henri regarda avec attention l’enseigne.

— Et quand vous crûtes avoir reconnu cet homme, quelle idée vous est venue, Monsieur ? demanda-t-il.

— Voici ce que je pense, répondit l’enseigne ; cependant je ne voudrais rien affirmer : le prince n’a sans doute pas renoncé à ses idées sur la Flandre ; il entretient en conséquence des espions ; l’homme au surcot de laine est un espion qui, dans sa tournée, aura appris l’accident arrivé au musicien et aura apporté deux nouvelles à la fois.

— Cela est vraisemblable, dit Henri rêveur ; mais cet homme, que faisait-il quand vous l’avez vu ?

— Il longeait la haie qui borde le parterre (vous verrez cette haie de vos fenêtres), et gagnait les serres.

— Alors vous dites que les deux voyageurs, car vous dites qu’ils sont deux…

— On dit qu’on a vu entrer deux personnes, moi, je n’en ai vu qu’une seule, l’homme au surcot.

— Alors, selon vous, l’homme au surcot habiterait les serres ?

— C’est probable.

— Et ces serres, ont-elles une sortie ?

— Sur la ville, oui, comte.

Henri demeura quelque temps silencieux ; son cœur battait avec violence ; ces détails, indifférents en apparence pour lui, qui semblait dans tout ce mystère avoir une double vue, avaient un immense intérêt.

La nuit était venue sur ces entrefaites, et les deux jeunes gens causaient sans lumière dans l’appartement de Joyeuse.

Fatigué de la route, alourdi par les événements étranges qu’on venait de lui raconter, sans force contre les émotions