Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/247

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grandissant de toute la hauteur du piédestal, Henri put voir ce qui se passait dans le pavillon, dont la principale fenêtre s’ouvrait tout entière devant lui.

Comme nul ne pouvait, ou plutôt ne devait pénétrer jusque-là, aucune précaution n’avait été prise.

Une table était dressée, servie avec luxe et chargée de vins précieux enfermés dans des verres de Venise.

Deux sièges seulement à cette table attendaient deux convives.

Le duc se dirigea vers l’un, et, quittant le bras du compagnon de Remy, en lui indiquant l’autre siège, il sembla l’inviter à se séparer de son manteau, qui, fort commode pour une course nocturne, devenait fort incommode lorsqu’on était arrivé au but de cette course, et que ce but était un souper.

Alors, la personne à laquelle l’invitation était faite jeta son manteau sur une chaise, et la lumière des flambeaux éclaira sans aucune ombre le visage pâle et majestueusement beau d’une femme que les yeux épouvantés de Henri reconnurent tout d’abord.

C’était la dame de la maison mystérieuse de la rue des Augustins, la voyageuse de Flandre ; c’était cette Diane enfin dont les regards étaient mortels comme des coups de poignard.

Cette fois elle portait les habits de son sexe, était vêtue d’une robe de brocart ; des diamants brillaient à son cou, dans ses cheveux et à ses poignets.

Sous cette parure, la pâleur de son visage ressortait encore davantage, et, sous la flamme qui jaillissait de ses yeux, on eût pu croire que le duc, par l’emploi de quelque moyen magique, avait évoqué l’ombre de cette femme plutôt que la femme elle-même.

Sans l’appui de la statue sur laquelle il avait croisé ses bras plus froids que le marbre lui-même, Henri fût tombé à la renverse dans le bassin de la fontaine.