Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/253

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Lorsque soudain la portière derrière laquelle il venait de voir disparaître Diane et le prince se rouvrit, et la jeune femme, se précipitant dans la salle à manger, entraîna Remy, qui, debout, immobile, semblait n’attendre que son retour.

— Viens !.. lui dit-elle ; viens, tout est fini…

Et tous deux s’élancèrent comme ivres, fous ou furieux dans le jardin.

Mais, à leur vue, Henri avait retrouvé toute sa force ; il s’élança au-devant d’eux, et ils le trouvèrent tout à coup au milieu de l’allée, debout, les bras croisés, et plus terrible dans son silence que nul ne le fut jamais dans ses menaces. Henri, en effet, en était arrivé à ce degré d’exaspération, qu’il eût tué quiconque se fût avisé de soutenir que les femmes n’étaient pas des monstres envoyés par l’enfer pour souiller le monde.

Il saisit Diane par le bras et l’arrêta court, malgré le cri de terreur qu’elle poussa, malgré le couteau que Remy lui appuya sur la poitrine, et qui effleura les chairs.

— Oh ! vous ne me reconnaissez pas, sans doute, dit-il avec un grincement de dents terrible ; je suis ce neuf jeune homme qui vous aimait et à qui vous n’avez pas voulu donner d’amour, parce que, pour vous, il n’y avait plus d’avenir, mais seulement un passé. Ah ! belle hypocrite, et toi, lâche menteur, je vous connais enfin, je vous connais et vous maudis ; à l’un je dis : Je te méprise ; à l’autre : Tu me fais horreur !

— Passage ! cria Remy d’une voix étranglée ; passage ! jeune fou… ou sinon…

— Soit, répondit Henri, achève ton ouvrage, et tue mon corps, misérable, puisque tu as tué mon âme.

— Silence ! murmura Remy furieux, en enfonçant de plus en plus sa lame sous laquelle criait déjà la poitrine du jeune homme.

Mais Diane repoussa violemment le bras de Remy, et saisissant celui de du Bouchage, elle l’amena en face d’elle.