Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

flotte était détruite et que Joyeuse et ses marins chargeaient au milieu des Flamands.

Dès lors le prince commença de concevoir une grande inquiétude : la flotte, c’était la retraite et par conséquent la sûreté de l’armée.

Le duc envoya l’ordre à la cavalerie calviniste de tenter une nouvelle charge, et cavaliers et chevaux épuisés se rallièrent pour se ruer de nouveau sur les Anversois.

On entendait la voie de Joyeuse crier au milieu de la mêlée :

— Tenez ferme, monsieur de Saint-Aignan ! France, France !

Et comme un faucheur entamant un champ de blé, son épée tournoyait dans l’air et s’abattait couchant devant lui sa moisson d’hommes ; le faible favori, le sybarite délicat, semblait avoir revêtu avec sa cuirasse la force fabuleuse de l’Hercule néméen.

Et l’infanterie, qui entendait cette voix dominant la rumeur, qui voyait cette épée éclairant la nuit, l’infanterie reprenait courage et, comme la cavalerie, faisait un nouvel effort et revenait au combat.

Mais alors l’homme qu’on appelait Monseigneur sortit de la ville sur un beau cheval noir.

Il portait des armes noires, c’est-à-dire le casque, les brassards, la cuirasse et les cuissards d’acier bruni ; il était suivi de cinq cents cavaliers bien montés qu’avait mis sous ses ordres le prince d’Orange.

De son côté, Guillaume le Taciturne, par la porte parallèle, sortait avec son infanterie d’élite, qui n’avait pas encore donné.

Le cavalier aux armes noires courut au plus pressé : c’était à l’endroit où Joyeuse combattait avec ses marins.

Les Flamands le reconnaissaient et s’écartaient devant lui en criant joyeusement :

— Monseigneur ! Monseigneur !

Joyeuse et ses marins sentirent l’ennemi fléchir ; ils en-