Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/27

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tendirent ces cris, et tout à coup se trouvèrent en face de cette nouvelle troupe, qui leur apparaissait subitement comme par enchantement.

Joyeuse poussa son cheval sur le cavalier noir, et tous deux se heurtèrent avec un sombre acharnement.

Du premier choc de leurs épées se dégagea une gerbe d’étincelles.

Joyeuse, confiant dans la trempe de son armure et dans sa science de l’escrime, porta de rudes coups qui furent habilement parés. En même temps un des coups de son adversaire le toucha en pleine poitrine, et, glissant sur la cuirasse, alla, au défaut de l’armure, lui tirer quelques gouttes de sang de l’épaule.

— Ah ! s’écria le jeune amiral en sentant la pointe du fer, cet homme est un Français, et il y a plus, cet homme a étudié les armes sous le même maître que moi.

À ces paroles, on vit l’inconnu se détourner et essayer de se jeter sur un autre point.

— Si tu es Français, lui cria Joyeuse, tu es un traître, car tu combats contre ton roi, contre ta patrie, contre ton drapeau.

L’inconnu ne répondit qu’en se retournant et en attaquant Joyeuse avec fureur.

Mais, cette fois, Joyeuse était prévenu et savait à quelle habile épée il avait affaire. Il para successivement trois ou quatre coups portés avec autant d’adresse que de rage, de force que de colère.

Ce fut l’inconnu qui alors à son tour fit un mouvement de retraite.

— Tiens ! lui cria le jeune homme, voilà ce qu’on fait quand on se bat pour son pays : cœur pur et bras loyal suffisent à défendre une tête sans casque, un front sans visière.

Et arrachant les courroies de son heaume, il le jeta loin de lui, en mettant à découvert sa noble et belle tête, dont les yeux étincelaient de vigueur, d’orgueil et de jeunesse.