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don Juan, contre Requesens, et contre Alexandre Farnèse.

Alors il fallut se décider à quitter le champ de bataille et à faire retraite par terre, puisque la flotte sur laquelle on comptait en cas d’événement était détruite.

Malgré le sang-froid des chefs, malgré la bravoure du plus grand nombre, une affreuse déroute commença.

Ce fut en ce moment que l’inconnu, avec toute cette cavalerie qui avait à peine donné, tomba sur les fuyards et rencontra de nouveau, à l’arrière-garde, Joyeuse avec ses marins, dont il avait laissé les deux tiers sur le champ de bataille.

Le jeune amiral était remonté sur son troisième cheval, les deux autres ayant été tués sous lui. Son épée s’était brisée, et il avait pris des mains d’un marin blessé une de ces pesantes haches d’abordage, qui tournait autour de sa tête avec la même facilité qu’une fronde aux mains d’un frondeur.

De temps en temps il se retournait et faisait face, pareil à ces sangliers qui ne peuvent se décider à fuir, et qui reviennent désespérément sur le chasseur.

De leur côté, les Flamands, qui, selon la recommandation de celui qu’ils avaient appelé Monseigneur, avaient combattu sans cuirasses, étaient lestes à la poursuite et ne donnaient pas une seconde de relâche à l’armée angevine.

Quelque chose comme un remords, ou tout au moins comme un doute, saisit au cœur l’inconnu en face de ce grand désastre.

— Assez, Messieurs, assez, dit-il en français à ses gens, ils sont chassés ce soir d’Anvers, et dans huit jours seront chassés de Flandre : n’en demandons pas plus au Dieu des armées.

— Ah ! c’était un Français, c’était un Français ! s’écria Joyeuse ; je l’avais deviné, traître. Ah ! sois maudit, et puisses-tu mourir de la mort des traîtres !

Cette furieuse imprécation sembla décourager l’homme