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Le cavalier aux armes noires, au lieu de répondre avec la voix ou de suivre l’exemple donné, poussa un sourd rugissement et leva l’épée sur cette tête nue.

— Ah ! fit Joyeuse en parant le coup ; je l’avais bien dit, tu es un traître, et en traître tu mourras.

Et en le pressant, lui ponant l’un sur l’autre deux ou trois coups de pointe, dont l’un pénétra à travers une des ouvertures de la visière de son casque :

— Ah ! je te tuerai, disait le jeune homme, et je t’enlèverai ton casque, qui te défend et te cache si bien, et je te pendrai au premier arbre que je trouverai sur mon chemin.

L’inconnu allait riposter, lorsqu’un cavalier, qui venait de faire sa jonction avec lui, se pencha à son oreille et lui dit :

— Monseigneur, plus d’escarmouche ; votre présence est utile là-bas.

L’inconnu suivit des yeux la direction indiquée par la main de son interlocuteur, et il vit les Flamands hésiter devant la cavalerie calviniste.

— En effet, dit-il d’une voix sombre, là sont ceux que je cherchais.

En ce moment, un flot de cavaliers tomba sur les marins de Joyeuse, qui, lassés de frapper sans relâche avec leurs armes de géants, firent leur premier pas en arrière.

Le cavalier noir profita de ce mouvement pour disparaître dans la mêlée et dans la nuit.

Un quart d’heure après, les Français pliaient sur toute la ligne et cherchaient à reculer sans fuir.

M. de Saint-Aignan prenait toutes ses mesures pour obtenir de ses hommes une retraite en bon ordre.

Mais une dernière troupe de cinq cents chevaux et de deux mille hommes d’infanterie sortit toute fraîche de la ville, et tomba sur cette armée harassée et déjà marchant à reculons. C’étaient ces vieilles bandes du prince d’Orange, qui tour à tour avaient lutté contre la duc d’Albe, contre