Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/96

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était évident que c’était bien plutôt la voix qu’il écoutait que la parole.

— Et c’est aussi l’avis de votre compagnon ? dit Henri, lorsque l’officier de marine eut cessé de parler.

Et il regardait ce compagnon, qui tenait son chapeau rabattu sur ses yeux et qui s’obstinait à ne pas souffler mot, avec une attention si profonde, que plusieurs des convives commencèrent à le regarder aussi.

Celui-ci, forcé de répondre à la question du comte, articula d’une façon presque inintelligible ces deux mots :

— Oui, comte.

À ces deux mots, le jeune homme tressaillit.

Alors, se levant, il marcha droit au bas bout de la table, tandis que les assistants suivaient avec une attention singulière les mouvements de Henri et la manifestation bien visible de son étonnement.

Henri s’arrêta près des deux officiers.

— Monsieur, dit-il à celui qui avait parlé le premier, faites-moi une grâce.

— Laquelle, monsieur le comte ?

— Assurez-moi que vous n’êtes pas le frère de M. Aurilly, ou peut-être M. Aurilly lui-même.

— Aurilly ! s’écrièrent tous les assistants.

— Et que votre compagnon, continua Henri, veuille bien relever un peu le chapeau qui lui couvre le visage, sans quoi je l’appellerai Monseigneur, et je m’inclinerai devant lui…

Et en même temps, son chapeau à la main, Henri s’inclina respectueusement devant l’inconnu.

Celui-ci leva la tête.

— Monseigneur le duc d’Anjou ! s’écrièrent les officiers.

— Le duc vivant !

— Ma foi, Messieurs, dit l’officier, puisque vous voulez bien reconnaître votre prince vaincu et fugitif, je ne résisterai pas plus longtemps à cette manifestation dont je vous