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avec la lettre que la moitié de la somme, en lui promettant l’autre moitié en échange de la réponse. Avez-vous le diamant ? continua Athos.

— J’ai mieux que cela, j’ai la somme.

Et d’Artagnan jeta le sac sur la table. Au son de l’or, Aramis leva les yeux. Porthos tressaillit ; quant à Athos, il resta impassible.

— Combien dans ce petit sac ? dit-il.

— Sept mille livres en louis de douze francs.

— Sept mille livres ! s’écria Porthos, ce mauvais petit diamant valait sept mille livres ?

— Il paraît, dit Athos, puisque les voilà ; je ne présume pas que notre ami d’Artagnan y ait mis du sien.

— Mais, messieurs, dans tout cela, dit d’Artagnan, nous ne pensons pas à la reine ; soignons un peu la santé de son cher Buckingham ; c’est le moins que nous lui devions.

— C’est juste, observa Athos, mais ceci regarde Aramis.

— Eh bien ! répondit celui-ci en rougissant, que faut-il que je fasse ?

— Mais, répliqua Athos, c’est tout simple, rédiger une seconde lettre pour cette adroite personne qui habite Tours.

Aramis reprit la plume, se mit à réfléchir de nouveau et écrivit les lignes suivantes, qu’il soumit à l’instant même à l’approbation de ses amis :

« Ma chère cousine… »

— Ah ! ah ! dit Athos, cette personne adroite est votre parente ?

— Cousine germaine, dit Aramis.

— Va donc pour cousine !

Aramis continua :

« Ma chère cousine, Son Éminence le cardinal, que Dieu conserve pour le bonheur de la France et la confusion des ennemis du royaume ! est sur le point d’en finir avec les rebelles hérétiques de La Rochelle ; il est probable que le secours de la flotte anglaise n’arrivera pas même en vue de la place ; j’oserai même dire que je suis certain que M. de Buckingham sera empêché de partir par quelque grand événement. Son Éminence est le plus illustre politique des temps passés, du temps présent et probablement des temps à venir. Il éteindrait le soleil si le soleil le gênait. Donnez ces heureuses nouvelles à votre sœur, ma chère cousine. J’ai rêvé que cet Anglais maudit était mort. Je ne puis me rappeler si c’était par le fer ou par le poison ; seulement, ce dont je suis sûr, c’est que j’ai rêvé qu’il était mort, et, vous le savez, mes rêves ne me trompent jamais. Assurez-vous donc de me voir revenir bientôt. »

— À merveille ! s’écria Athos ; vous êtes le roi des poètes, mon cher Aramis ; vous parlez comme l’Apocalypse et vous êtes vrai comme l’Évangile. Il ne reste maintenant que l’adresse à mettre sur cette lettre.

— C’est bien facile, dit Aramis.

Il plia coquettement la lettre, la reprit et écrivit :

« À mademoiselle Marie Michon, lingère à Tours. »

Les trois amis se regardèrent en riant : ils étaient pris.

— Maintenant, dit Aramis, vous comprenez, messieurs, que Bazin seul peut porter cette lettre à Tours. Ma cousine ne connaît que Bazin et n’a confiance