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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

N’entends-tu pas la France qui s’écrie :
« Mon beau ciel pleure une étoile de moins ? »

Chateaubriand, eut le bon esprit de répondre en prose. Les meilleurs vers de Chateaubriand sont à cent piques au-dessous des plus mauvais vers de Béranger.

Ce fut un des tourments de la vie de Chateaubriand, que de faire des vers si mauvais, et de s’obstiner à en faire. Ce travers, il le partageait avec Nodier : ces deux génies de la prose moderne étaient tourmentés du démon de la rime. Heureusement, on oubliera Moïse et les Contes en vers ; comme on a oublié que Raphaël jouait du violon.

Pendant que Béranger chantait, que Chateaubriand se retirait à Lucerne, — où, huit ou dix mois après, je devais l’aider à donner à manger à ses poules, — le jour de la première représentation de Charles VII, c’est-à-dire le 22 octobre était arrivé.

J’ai, déjà dit ce que je pensais de la valeur de ma pièce : comme vers, c’était un grand progrès sur Christine ; comme œuvre dramatique, c’était une imitation d’Andromaque, du Cid, de la Camargo. Justice lui fut complètement rendue : elle eut un grand succès, et ne fit pas un sou !

Notons ici, en passant, que, lorsqu’elle fut transportée au Théâtre-Français, elle fit vingt ou vingt-cinq représentations à cent louis chacune.

Il en fut de même, plus tard, pour les Demoiselles de Saint-Cyr. Cette comédie, représentée en 1843 avec un succès honorable, mais peu fructueux, quoiqu’elle eût alors pour interprètes Firmin, mesdemoiselles Plessy et Anaïs ; eut, à sa reprise, c’est-à-dire six ans après, — le double des représentations qu’elle avait eues dans sa nouveauté, et fit un argent fou pendant cet étrange été de la Saint-Martin.

Revenons à Charles VII.

Nous avons constaté le succès de l’ouvrage ; un incident comique faillit le compromettre.

Delafosse, un des comédiens les plus consciencieux que je